Conjoint collaborateur : quelle protection sociale et comment l’optimiser ?

Par Lily
Le 17 mars 2023

Nombreux sont ceux qui choisissent de travailler au sein de l’entreprise de leur conjoint chef d’entreprise sans avoir le statut de salarié. ou d’associé. Malgré les avantages et la flexibilité qu’il offre, le statut de conjoint collaborateur a longtemps été exclu de nombreux dispositifs de protection sociale. Ainsi, les conjoints collaborateurs ne bénéficiaient d’aucune couverture en cas de maladie, d’accident, de maternité ou paternité et même lors du départ à la retraite. Heureusement, de nombreuses réformes ces dernières années ont permis d’améliorer significativement la protection sociale de ces travailleurs mais il reste encore des choses à optimiser. On vous en parle plus en détail dans cet article.

 

protection sociale conjoint collaborateur

 

Qu’est ce que le statut de conjoint collaborateur ?

Un conjoint collaborateur est une personne exerçant une activité régulière au sein de l’entreprise de son conjoint chef d’entreprise (marié, pacsé ou concubin) sans être salarié ni associé.

Ce statut social mis en place en 2005 a pour objectif de mieux protéger le conjoint d’un chef d’entreprise. En effet, auparavant, puisqu’il ne touchait pas de rémunération, il ne cotisait pas aux régimes de protection sociale. Aujourd’hui, grâce à ce statut, le chef d’entreprise verse des cotisations sociales au nom de son conjoint pour lui permettre de bénéficier d’une couverture sociale.

Quelles sont les conditions pour être conjoint collaborateur ?

Il y a quatre conditions pour pouvoir bénéficier du statut de conjoint collaborateur :

  • Le conjoint chef d’entreprise doit avoir le statut de TNS (travailleur non salarié). Il s’agit donc des artisans, commerçants et professions libérales, des entrepreneurs individuels, des associés uniques d’EURL, des gérants majoritaires de SARL et des auto-entrepreneurs ou micro-entrepreneurs.
  • Le conjoint collaborateur ne doit pas exercer ailleurs une activité salariée au moins égale à un mi-temps ou une activité non salariée.
  • Il ne doit percevoir aucune rémunération pour son activité dans l’entreprise de son conjoint.
  • Il ne doit pas posséder de parts sociales de l’entreprise et avoir le statut d’associé.

 

Comment déclarer son conjoint collaborateur ?

La déclaration du conjoint collaborateur doit se faire auprès du Guichet unique qui remplace les CFE (Centre de Formalités des Entreprises) depuis le 1er Janvier 2023. Le chef d’entreprise doit alors choisir le statut de son conjoint. S’il ne le fait pas, le conjoint bénéficie par défaut du statut de conjoint salarié.

L’obligation de déclaration d’activité régulière du conjoint dans son entreprise

Depuis la loi Pacte, Le chef d’entreprise a désormais l’obligation légale de déclarer l’activité professionnelle régulière de son conjoint au sein de l’entreprise.

Est considérée comme activité régulière, toute participation directe, effective à titre professionnel et habituel dans l’entreprise. Ce n’est pas forcément un temps complet mais le conjoint ne doit pas avoir une autre activité salariée au moins égale à un mi-temps ou une activité non salariée.

Son activité doit être telle que son absence nécessiterait l’embauche d’un salarié.

Au delà de l’obligation légale, choisir un statut c’est aussi une façon de garantir une certaine protection sociale pour le conjoint, et notamment des droits à la retraite.

 

Comment mettre fin au statut de conjoint collaborateur ?

La fin du statut de conjoint collaborateur peut intervenir à n’importe quel moment :

  • suite à une décision du chef d’entreprise ou à la demande du conjoint,
  • suite à une changement de statut obligatoire au bout de 5 ans
  • suite au divorce, à la cessation de PACS, à la séparation des conjoints ou au décès du chef d’entreprise.

Dans ces cas, il faut déclarer ce changement de situation via le Guichet unique dans un délai d’un mois.

 

Quelle protection sociale pour le conjoint collaborateur ?

La couverture sociale du conjoint collaborateur s’est énormément améliorée depuis quelques années. Le conjoint collaborateur est aujourd’hui affilié au régime des travailleurs indépendants et bénéficie ainsi de la même couverture sociale que les TNS. Cette couverture est possible grâce aux cotisations versées directement par lui et aux cotisations versées pour son compte par le chef d’entreprise.

La couverture santé-maladie

Le conjoint collaborateur bénéficie de la même couverture maladie que les TNS. Il bénéficie des remboursement de ses frais de santé par la Sécurité Sociale en qualité d’ayant droit du chef d’entreprise. Cependant, il cotise à titre personnel pour pouvoir bénéficier des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail au bout de 12 mois d’affiliation. Pour le conjoint collaborateur, l’indemnité journalière est constituée d’un montant forfaitaire de 24,11 €.

Le conjoint collaborateur verse seulement une cotisation minimale forfaitaire de 132€ en 2023 au titre des indemnités journalières mais aucune cotisation au titre de l’assurance maladie-maternité.

Le congé maternité-paternité

La conjointe collaboratrice bénéficie d’un congé maternité normal de 16 semaines comme les salariées. Elle bénéficie également :

  • d’une indemnité forfaitaire de repos maternel de 3666€ en 2023 (1833€ en cas d’adoption).
  • d’une indemnité de remplacement pour compenser les frais engagés en cas de cessation d’activité et de remplacement par une personne salariée. Cette indemnité variera selon le type de grossesse (simple ou multiple, normale ou pathologique) ou en cas d’adoption.

Pour cela, elle doit avoir au moins 10 mois d’affiliation à la Sécurité Sociale des Indépendants. Rappelons que la conjointe collaboratrice ne verse aucune cotisation pour cette couverture.

Les conjoints collaborateurs peuvent également bénéficier d’un congé paternité de 25 à 32 jours comme les salariés. Ils peuvent eux aussi prétendre à une indemnité journalière forfaitaire de remplacement sous certaines conditions.

La couverture du risque accident du travail ou maladie professionnelle

Le conjoint collaborateur ne bénéficie pas de l’assurance obligatoire de la Sécurité Sociale en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, tout comme les TNS. Le conjoint peut cependant s’assurer volontairement pour le risque AT/MP auprès de l’Assurance Maladie avec une cotisation supplémentaire versée à l’Urssaf, calculée sur une base forfaitaire. Cette cotisation est déductible fiscalement.

Le risque invalidité-décès

Le conjoint collaborateur bénéficie d’une couverture invalidité-décès comme les TNS. Il touchera ainsi une rente invalidité le cas échéant et un capital décès sera versé à ses ayants droit en cas de décès.

Les niveaux de couverture seront différents selon l’organisme d’affiliation pour ce risque :

Les conjoints collaborateurs des professions libérales par exemple bénéficient de prestations assez modestes sur ce risque.

La cotisation obligatoire au risque invalidité-décès est versée par le chef d’entreprise pour le compte de son conjoint. Il peut soit s’agir d’un taux de cotisation fixe appliqué sur une base de calcul (voir ci dessous) soit d’un montant représentant une fraction de la cotisation forfaitaire versée par le chef d’entreprise.

La retraite des conjoints collaborateurs

Grâce aux cotisations obligatoires versées par le chef d’entreprise pour le compte de son conjoint collaborateur, ce dernier bénéficie de droits personnels à la retraite obligatoire (retraite de base et retraite complémentaire).

Ces droits ainsi que le validation des trimestres annuels dépendront des cotisations versées et donc de la base de calcul choisie par le chef d’entreprise.

Il existe aujourd’hui 5 options de base de calcul pour les cotisations au titre de la retraite obligatoire et de l’invalidité-décès pour le chef d’entreprise et pour le compte de son conjoint collaborateur :

  • 3 options sans partage de revenus c’est à dire que le chef d’entreprise cotisera toujours sur 100% de son revenu et son conjoint aura une cotisation moindre.
    • forfaitaire : l’assiette de cotisation du conjoint équivaut à 1/3 du PASS
    • l’assiette de cotisation du conjoint est 1/3 du revenu professionnel du chef d’entreprise
    • l’assiette de cotisation du conjoint est 1/2 du revenu professionnel du chef d’entreprise
  • 2 options avec partage de revenus c’est à dire que la base de calcul de cotisation est partagée entre le chef d’entreprise et son conjoint.
    • l’assiette de cotisation du conjoint est 1/3 du revenu professionnel du chef d’entreprise. Celle du chef d’entreprise est de 2/3 de son revenu
    • l’assiette de cotisation du conjoint est 1/2 du revenu professionnel du chef d’entreprise. Celle du chef d’entreprise est de 50% de son revenu.

Les options avec partage de revenus ont l’avantage de ne pas augmenter les cotisations sociales de l’entreprise. En revanche, elles risquent de diminuer les droits retraite du chef d’entreprise puisque les droits dépendent du montant des cotisations versées pour les TNS. La validation des 4 trimestres annuels se fait seulement si les revenus dépassent un certain seuil.

Ce système de calcul des cotisations devrait être simplifié très prochainement. On devrait normalement passer à 3 options au lieu de 5. Les options retenues étant les plus avantageuses, garantissant des droits à la retraite équitables entre le chef d’entreprise et son conjoint collaborateur. La mesure n’a cependant pas encore été publiée au Journal Officiel.

Des taux de cotisation différents pour la retraite de base et la retraite complémentaire s’appliquent ensuite à cette base de calcul.

L’épargne salariale pour le conjoint collaborateur

Le conjoint collaborateur est éligible à la participation, à l’intéressement et à l’abondement. Il peut ainsi participer aux plans d’épargne salariale (PEE et PER d’entreprise) à condition qu’il y ait un autre salarié que lui dans l’entreprise.

Pour les conjoints collaborateurs, le plafond de versement volontaire sur les plans d’épargne salariale est fixé à 1/4 du PASS.

 

Quels sont les avantages et les inconvénients du statut de conjoint collaborateur ?

Le statut de conjoint collaborateur présente de nombreux avantages.

Il apporte une certaine flexibilité. Il est simple à mettre en place ou à supprimer car il y a peu de formalités administratives. Par ailleurs, il ne coûte pas cher à l’entreprise d’un point de vue charges sociales et fournit quand même une protection sociale relativement complète au conjoint.

Ensuite, les cotisations sociales obligatoires versées pour le compte du conjoint collaborateur (assurance vieillesse, retraite complémentaire et invalidité-décès) sont entièrement déductibles des bénéfices de l’entreprise (BIC ou BNC). Les cotisations et primes facultatives versées par le conjoint collaborateur sont aussi déductibles du revenu imposable du foyer fiscal , tout comme celles du chef d’entreprise (sauf s’il est micro entrepreneur).

L’un des inconvénients est qu’il n’est valable que 5 ans ! Au delà de 5 ans, le chef d’entreprise devra choisir un autre statut pour son conjoint : salarié ou associé. Il bénéficiera alors d’une meilleure protection sociale notamment s’il devient conjoint salarié. Le but est de limiter une éventuelle dépendance économique du conjoint à l’égard du chef d’entreprise.

Par ailleurs, le statut de conjoint collaborateur n’apporte pas une couverture très bonne, surtout en matière de retraite. Comme la base de calcul des cotisations n’est pas très élevée, les cotisations retraite seront faibles et donc il bénéficiera d’une pension de retraite faible. De plus, les cotisations versées ne lui permettront pas forcément de valider 4 trimestres annuels. Il faut en effet que le revenu servant de base de calcul soit supérieur ou égale à 600 fois le SMIC horaire.

De plus, le conjoint collaborateur ne cotise pas à l’assurance chômage. Ainsi en cas de divorce, de séparation ou de faillite de l’entreprise, il ne touchera aucune indemnité de licenciement ni allocations chômage.

Enfin, la couverture en cas d’invalidité-décès est très modeste pour les conjoints collaborateurs de professionnels libéraux par exemple.

 

Comment optimiser la protection sociale du conjoint collaborateur ?

Comme vu précédemment, le statut de conjoint collaborateur apporte une certaine protection sociale qui n’est pas toujours excellente sur certains risques. Il existe heureusement des contrats d’assurances individuels ou des dispositifs pour l’améliorer.

Pour les conjoints collaborateurs de professionnels libéraux qui bénéficient d’une très faible couverture sur le risque invalidité décès, il peut être intéressant de souscrire un contrat de prévoyance individuel qui leur apportera une meilleure protection.

De même, sur le risque chômage, il peut être judicieux de souscrire une assurance individuelle spécifique, garantissant le versement d’une indemnité en cas de chômage. Il faut se renseigner sur les différents contrats disponibles et applicables au conjoint collaborateur.

Enfin, pour pallier une pension de retraite obligatoire faible, il faut dès que possible mettre en place des dispositifs d’épargne retraite individuels tels que le PER ou une assurance vie. Cela permettra d’aborder la retraite avec plus de sérénité.

 

 

Les statuts alternatifs du conjoint en entreprise

Le statut de conjoint collaborateur n’est pas le seul statut possible. Le chef d’entreprise peut choisir deux autres statuts lors de la déclaration obligatoire d’activité régulière de son conjoint.

Le conjoint salarié

Pour pouvoir être déclaré comme conjoint salarié, il faut que le conjoint exerce une activité sous le contrôle du chef d’entreprise, qu’il ait un contrat de travail et des bulletins de salaire mensuels et que son salaire corresponde à la qualification du poste exercé ou soit égal au SMIC en cas d’activités diverses.

Il est alors affilié au régime général des salariés et bénéficie de la même protection sociale : maladie, invalidité-décès, maternité, retraite de base et retraite complémentaire, accidents du travail et maladie professionnelle…et même chômage.

Les cotisations du conjoint salarié sont calculées sur la base de son salaire selon les même modalités et taux applicables aux salariés.

Le conjoint associé

Le conjoint (marié ou pacsé) est considéré comme conjoint associé s’il détient des parts sociales dans la société et qu’il y exerce une activité professionnelle régulière.

Il bénéficiera alors de la même couverture que le chef d’entreprise, en fonction de son statut.

Si le chef d’entreprise est assimilé-salarié, le conjoint associé bénéficiera de la couverture sociale du régime des salariés mais pas de l’assurance chômage.

S’il est travailleur non salarié (TNS), le conjoint associé sera rattaché au même régime que le chef d’entreprise selon son activité (SSI, CNAVPL ou CNBF). Il bénéficiera de la protection sociale des indépendants : les mêmes risques que les salariés sauf maladie professionnelle, accident du travail et chômage.

Les cotisations du conjoint associé sont calculées sur la base de son revenu professionnel dans l’entreprise, selon les mêmes taux de cotisation que le chef d’entreprise. En cas d’absence ou de faible rémunération, ses cotisations sont calculées sur une assiette minimale.

Ces statuts alternatifs permettent d’avoir une protection sociale plus intéressante mais ils peuvent engendrer des coûts supplémentaires pour l’entreprise. Il peut être intéressant de se faire conseiller pour choisir le statut de son conjoint exerçant une activité régulière dans l’entreprise. N’hésitez pas à solliciter notre équipe d’experts Social Care Consulting.

 

Le statut du conjoint collaborateur est un statut en constante évolution depuis sa création notamment suite au plan de financement de la Sécurité Sociale pour 2022 (PLFSS). L’objectif est de le transformer en un véritable statut de travailleur indépendant ou de salarié pour pallier notamment sa faiblesse en matière de retraite. La législation risque encore de changer dans les prochains mois . On vous tiendra bien évidemment informés !

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